Le roman Les gens des coins perdus d’Alexandre Malychkine (1937) a joué un rôle décisif dans l’évolution du langage artistique et de la pensée de Gueorgui Chétinine. Situé dans les années 1920, le roman décrit le quotidien des hommes et des femmes pris dans le tourbillon de l’Histoire et obligés à quitter leurs foyers pour aller chercher le bonheur dans les immenses chantiers du jeune pays des Soviets où, malgré la pression idéologique, la misère et les conditions inhumaines, naissent de simples rapports d’amitié d’affection.
Créées dans les années cinquante, ces illustrations n’ont malheureusement jamais été éditées. Il suffit, cependant, d’en voir quelques-unes pour se rendre compte qu’il s’agit de pièces d’une œuvre plastique intégrale doté de son propre rythme et d’une imagerie particulière dont émane une atmosphère dominée par l’angoisse, le désarroi et l’imminence d’un grand vide.
C’est entre autre sous l’influence des Gens des coins perdus que Chétinine se tourne de plus en plus vers la littérature: au début des années soixante-dix, il se lance dans l’écriture du roman Marthe et Marie, travail qu’il poursuivra inlassablement jusqu’à la fin de ses jours, mais qui ne débouchera jamais sur une publication. Entre 1970 et 1990, Chétinine dessine presque exclusivement les personnages de son roman et ses dessins représentent, sans aucun doute, le sommet de sa carrière artistique.